Le Magasin Pittoresque.

Le mystère des voix ensevelies.

 

Où nous verrons que les voix ensevelies sont intimement liées à la légende du Fantôme de l'Opéra.

Un autre secret de l'Opéra : son trésor des voix disparues. Peu après la première Guerre mondiale, une société de disques proposa à la direction de notre théâtre national d'enregistrer la voix des chanteurs célèbres. Vingt-quatre cires furent gravées et enfermées dans deux urnes de plomb. En présence de personnalités officielles, on opposa des scellés sur ces urnes. Elles dorment encore au fond des caves et elles ne seront pas ouvertes avant longtemps.

Guide de la France mystérieuse. / les guides noirs. Tchou, éditeur. 1964 )

 

C'est en consultant d'anciens exemplaires de la revue MUSICA que j'ai découvert l'existence d'une collection de disques qui furent déposés dans les caves de l'Opéra Garnier à Paris le 23 décembre 1907.

En effet, le 23 décembre 1907 a eu lieu, dans les souterrains de l'Opéra
de Paris, l'inhumation de 24 disques ainsi que d'un gramophone pour les écouter.

Leur résurrection étant prévue dans cent ans.

Le compositeur français Gabriel Fauré était présent.

La revue MUSICA, éditée par Pierre Lafitte commença à paraître en octobre 1902, elle était consacrée en grande partie à la musique d'Opéra mais aussi à l'ensemble des autres créations musicales et théâtrales qui avaient un rapport avec l'art lyrique.

Outre la revue MUSICA, Pierre Lafitte éditait aussi la revue FEMINA, LA VIE AU GRAND AIR, mais aussi certains livres de Gaston Leroux, dont le célèbre roman fantastique LE FANTOME DE L'OPERA.



Considérant que cet évènement, inconnu du grand public, avait sa place dans mon Magasin Pittoresque, je lui consacrai une petite page qui contient l'article de la revue MUSICA ainsi que les photos qui l'accompagnent.

En novembre 2006, n'ayant eu connaissance d'aucune autre information sur le sujet et craignant que ces voix ensevelies finissent par l'être définitivement, leur
résurrection étant prévue en principe pour le 23 décembre 2007, je me décidai à écrire à Monsieur Gérard Mortier, alors responsable de l' Opéra de Paris.

Dans ma lettre, où je lui expliquais le sens de ma démarche et la particularité du site que j'anime

"Un site qui a comme vocation de chercher à travers le passé, par le biais de journaux anciens, et de vieux manuscrits, les curiosités qui intéresseraient encore les hommes d'aujourd'hui",

je lui demandais s'il était au courant de cette curieuse initiative de nos aïeux, initiative digne des œuvres de Jules Verne, et s'il était prévu qu'un événement, aussi modeste soit-il, apporterait une suite logique à leurs espoirs.

Monsieur Gérard Mortier, qui d'ailleurs est belge comme ce site, répondit rapidement à ma demande en m'apportant des informations qui, d'une certaine manière, ruinaient le projet initial.

Il était effectivement au courant de cet événement historique et m'apporta de plus certains éléments que j'ignorais, en l'occurrence que ce n'était pas à une seule séance d'ensevelissement à laquelle s'étaient livrés nos ancêtres, mais bien deux séances.

En effet, une autre manifestation officielle avait eu lieu le 13 juin 1912.

Mais j'appris aussi que les voix ensevelies avaient été profanées par des personnes indélicates, et que certaines urnes avaient été fracturées.

Constatant, en 1988, que des personnes indélicates avaient fracturé
quelques urnes, Monsieur Jean-Louis Martinoly, alors Administrateur général des Opéras de Paris à ce moment-là, a pris la décision de mettre à l'abri l'ensemble du matériel contenu dans ce local en le faisant transférer dans les locaux de la Bibliothèque nationale de France, sur le site Tolbiac.


En conséquence de quoi, Monsieur Gérard Mortier m'invite à me mettre en contact avec le département qui conserve ce patrimoine.

Par manque de temps, j'ai pourtant délaissé le sujet.

Dernièrement, une dame qui se consacre à des recherches sur l'Opéra, m'a demandé des renseignements sur les sources de mon article sur les voix ensevelies et sur les photos qui l'accompagnent.

Les seules références, connues par moi-même, sont celles indiquées dans la revue Musica , Editeur Pierre Lafitte, 9 Avenue de l'Opèra, à Paris.

C'est à ce moment-là, que je me suis rappelé d'une curieuse coïncidence.

Pierre Lafitte, éditeur d'une revue consacrée essentiellement à l'Opéra était aussi l'éditeur du livre de Gaston Leroux,

LE FANTOME DE L'OPERA.


Il ne me restait plus qu'à acquérir le livre de Gaston Leroux et de découvrir avec étonnement, dans la préface que l'auteur consacre à son livre, une référence à l'ensevelissement des voix des plus grands artistes lyriques de l'époque, dans les caves du Palais Garnier.

En réalité il s'agit plus que d'une simple référence mais d'un élément déterminant à propos de la certitude qu'a Gaston Leroux, de l'existence du fantôme de l'Opéra.



Que nous dit-il ? " On se rappelle que dernièrement, en creusant le sous-sol de l'Opéra pour y enterrer les voix phonographiées des artistes, le pic des ouvriers a mis à nu un cadavre. Or, j'ai eu tout de suite la preuve que ce cadavre était celui du Fantôme de l'Opéra ! J'ai fait toucher cette preuve, de la main, à l'administrateur lui-même, et maintenant il m'est indifférent que les journaux racontent qu'on a trouvé là une victime de la commune


Donc, pour enfouir les disques, on a dû profaner la sépulture du Fantôme de L'Opéra.

Ce n'est pas rien ! Profaner la sépulture d'un être qui a comme vocation d'hanter l'Opéra.

Il n'y avait qu'un pas à imaginer l'hypothèse la plus folle : le Fantôme lui-même serait-il la personne indélicate qui a fracturé certaines urnes.

Cette piste pourrait sembler farfelue, pourtant si l'on sait que ce spectre est un grand connaisseur en matière de musique, il n'y a qu'un pas à imaginer deux scénarios plausibles : ou il aurait tout simplement détruit les disques des chanteurs qu'il n'appréciait pas, ou il s'est emparé des disques qui lui plaisaient pour les écouter dans le fin fond de sa résidence spectrale.

Les seules personnes qui pourraient apporter leurs lumières sur cette étrange affaire sont les membres du personnel qui travaillent ou qui ont travaillé à l'Opéra Garnier.

Ont-elles été témoins d'événements étranges, par exemple des sonorités diffuses venues des entrailles de ce vaste bâtiment.


En ce qui concerne la filiation entre la revue MUSICA et le roman de Gaston Leroux, rien n'interdit de penser que, dans l'esprit de l'éditeur d'une revue sur l'Opéra, c'était une idée originale que d'éditer une fiction qui se déroule dans une des salles d'opéra les plus prestigieuses de son époque.

 

Opéra de Paris, oeuvre de Charles Garnier - Coupe longitudinale / MUSICA octobre 1904.