Bâtie sur une élévation, cette colossale et antique citadelle s'étend le long de la rive gauche de la Moskowa. Elle est triangulaire et mesure deux kilomètres de circonférence. Ses épaisses murailles sont en briques; elles datent du quatorzième siècle. Autrefois elle était entourée de fossés profonds ; ils furent remplacés après le désastre de 1812 par de splendides boulevards et un jardin délicieux. Là s'entassent les monuments historiques de la grande Russie. Par-dessus tous les autres, le Térème des tzars, l'Arsenal, le Clocher d'Ivan, le palais de Nicolas Ier, la cathédrale de l'Assomption et celle du Saint-Sauveur, la plus ancienne de toutes les églises bâties dans l'enceinte du Kremlin, s'élèvent dans les airs et dominent la ville de leur masse imposante.
Dans une étroite enceinte, la démocratie slave et l'oligarchie russe jouèrent le drame sanglant qui provoqua la dictature de l'autocratie moscovite et prépara l'avènement de l'impérialisme.
Chaque pas, au Kremlin, évoque un souvenir. Ces tours gigantesques ont vu la fuite d'Ahmet-Khan et la chute de la horde dorée qui, pendant deux siècles, ploya la Russie sous la domination dévastatrice; elles ont vu s'accomplir l'annexion de toutes les principautés qui ensanglantaient le berceau de la puissance moscovite. C'est au Kremlin qu'Ivan le Terrible foudroyait ses boyards et éteignait leurs intrigues dans des flots de sang. C'est au Kremlin que Boris Godounof acheta le trône à ces mêmes boyards et attacha la population rurale aux terres qu'il avait usurpées. C'est au Kremlin que Démétrius fut lâchement assassiné en 1592 par ordre de Godounof.