Le Magasin Pittoresque. / Une fête de village. |
Les
hameaux et les villages sont ordinairement très rares aux environs
de Moscou. Soumises pendant plusieurs siècles aux incursions sans
cesse renouvelées des Tatares et des Lithuaniens, les populations
rurales se sont groupées afin de pouvoir résister à
ces hordes barbares qui semaient partout la mort et l'incendie. Toutes
les maisons qui forment un village sont bâties à droite et
à gauche d'une longue rue terminée par une large place.
Ces maisons ne manquent pas d'une certaine élégance; elles
sont presque toutes construites sur la même modèle; le pignon,
cette partie qui porte le faîtage, est très élevé,
et la toiture rapide et prolongée, un peu dans le goût des
maisons néerlandaises. Le bois seul est employé à
ces constructions, qui se composent de madriers superposés à
l'état de nature au dehors, et équarris à l'intérieur
seulement. Les vieilles Isby, c'est-à-dire les chaumières
de paysans, sont noires et d'un aspect lugubre. Ce n'est que depuis quinze
ou vingt ans que le villageois commence à blanchir sa maison. Chacune de ces demeures rustiques possède une cour plus ou moins vaste, selon l'état de fortune de son propriétaire. Toutes les croisées donnent invariablement sur la rue. Au fond de l'habitation se trouve le magasin où l'on met les provisions du ménage, les ustensiles de toute sorte et les vêtements de fête. Cette pièce est séparée du reste du logis par un vestibule. Elle a deux compartiments ; celui d'en haut est réservé pour les objets précieux. Sous le vestibule s'ouvre une cave. On y garde en été le lait, le fromage, la bière et le kwas, espèce de boisson aigrelette, faite avec du malt d'orge. De plus, au fond de chaque cour est une étable, autour de laquelle, de trois côtés, règne un large auvent. Cette étable est garnie de mousse, et c'est là qu'au printemps et en automne les brebis passent la nuit. Au hameau la vie est triste ; elle n'est égayée en hiver que par les longues veillées de la chaumière, et en été par la fête de la paroisse, qu'on célèbre pendant plusieurs jours par les libations excessives d'eau-de-vie et de bière. Sur la place de l'église, on élève une escarpolette, et les marchands forains vendent des pains d'épice. Les jeunes dansent et chantent en chur. Mais dans beaucoup de ces villages, les vieilles coutumes s'en vont. On ne les retrouve plus qu'à douze ou quinze lieues de Moscou. |