VLADIMIR
Ier, dit le Grand et le Saint, grand prince de Russie, fils de Sviatoslav
Ier , et frère d'Oleg, n'eut d'abord que Novogorod à la
mort de son père, 973, s'enfuit, après le meurtre d'Oleg,
chez les Varègues, à la tête desquels il revint
s'emparer de Kiev, capitale de l'empire, et régna seul par le
meurtre d'Iaropolk, 980. Vladimir avait de brillantes qualités
guerrières ; mais il restait en lui quelque chose de l'aveugle
férocité de ses aïeux. Il mena d'abord une vie de
désordre, où le sang coula plus d'une fois sans motif
et sans excuse. Les chefs de ses compagnies franches partageaient ses
plaisirs et l'excitaient à la débauche. Huit cents concubines
formaient son harem. Le palais de ce prince était une vaste hôtellerie,
où retentissaient constamment les rires et les clameurs de l'ivresse.
Néanmoins Vladimir ne tarda pas à faire un retour sur
lui-même. Il se rappela son aïeule, cette douce et sage chrétienne
qui avait prié près de son berceau ; il entendit au fond
de son âme, comme s'ils eussent été reproduits par
une voix céleste, les discours d'Olga, ses conseils dictés
par ce que la religion du Christ avait de plus pur ; il se rappela sa
piété, sa mansuétude, et se sentit profondément
ému. Le souvenir de cette autre Monique opéra sur le nouvel
Augustin des prodiges de grâce et de repentir. Il pleura ses égarements
et résolut d'embrasser le christianisme. Dès lors, toutes
ses actions tendirent vers ce but. Avant la fin du dixième siècle,
la Russie était chrétienne.
IAROSLAF (Iouri ou Georges) ; dit le Sage ; grand-duc de Russie de
1016 à 1054. Il était un des douze fils de Vladimir,
qui reçurent chacun en héritage une partie du royaume.
La discorde ne tarda pas à souffler ses fureurs dans les rangs
de cette légion de princes. Ils s'anéantirent successivement,
et, après dix-huit années que dura cette guerre fratricide,
Iaroslaf, vainqueur sur tous les points, réunit, en 1019, à
son diadème, la généralité des États
de son père. Sous le règne de ce monarque, la Russie
devint à tous égards le pays le plus avancé de
l'Europe. On peut dire que le flambeau de la civilisation y répandait
ses lueurs éclatantes depuis les Portes de fer jusqu'au pied
des monts Ourals. Elle eut, au XIe siècle, la première
place si bien marquée dans le système européen,
que Henri Ier , roi de France, Casimir, roi de Pologne, les princes
de Hongrie et de Norvège tinrent à honneur d'épouser
les filles d'Iaroslaf. C'était, à cette époque,
le seul souverain qui gouvernât une nation libre, placée
dans le progrès au-dessus de toute l'Europe féodale
. On peut l'appeler le Lycurgue de la Russie, et son règne
se résume en trois mots : force, sagesse et courage. Il est
démontré que la première politique du peuple
slave était une politique vivifiante, posant en principe l'autonomie
et l'indépendance nationale. Novogorod lui devait son ancienne
splendeur, et c'était à Novogorod qu'Iaroslaf avait
appris à compter avec l'opinion publique ; il admettait que
le pays avait le droit de juger ses princes et de disposer, le cas
échéant, de leur couronne. Ce prince mourut en 1054,
après avoir triomphé dans une lutte glorieuse contre
les empereurs de Constantinople et Boleslas, roi de Pologne. Bien
qu'isolée par sa position géographique, la Russie ne
perdait pas un seul de ses avantages. Les sciences y florissaient.
Tout y était indépendant, jusqu'à l'Église,
et l'on admirait, à juste titre, le spectacle, inconnu partout
ailleurs, d'un peuple qui se civilisait de lui-même, d'un souverain
libre régnant sur des sujets libres, sans que les sujets ni
le souverain s'écartassent jamais des plus strictes lois de
la justice. " Le prince régnait ; la mire ou assemblée
populaire gouvernait : " telle était la maxime inscrite
en tête de toutes les chartes de l'époque. Chaque citoyen
avait ses droits parfaitement délimités ; la prérogative
du prince se bornait à servir la patrie à la tête
des troupes. Hélas ! plus tard, à cet état de
choses succéda une dictature terrible avec l'esclavage de toute
les conditions devant l'autorité suprême.
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