Garnier
et Vallet ont résisté à la police, aux zouaves,
aux gendarmes pendant neuf heures . Les premiers coups de feu
tirés par eux sur les brigades (
)
dix minutes du matin, la fusillade crépita. Combien a-t-on
brûlé de cartouches des deux côtés ?
Des milliers ! les deux dernières balles furent tirées
par Vallet sur M. Lépine, qui, impétueux comme toujours,
s'était avancé et avait amené à lui
brusquement le volet à demi fermé de la chambre
du rez-de-chaussée où était tapi le bandit.
Les
assiégeants ripostèrent une dernière fois
; cent cinquante projectiles convergèrent vers cette fenêtre.
Ce fut la fin.
Pantelantes,
piétinées, frappées les deux loques humaines
furent traînées, hissées dans les automobiles
qui les emportèrent vers Paris, à la Morgue où
déjà Bonnot et Dubois avaient été
apportés dix-huit jours auparavant.
Bien
des gens garderont de cette nuit tragique un souvenir très
vif, car ils étaient nombreux ceux qui étaient venus
de Paris pour voir " le siège ".
Un
public très mêlé et qui rappelait vaguement
celui des exécutions capitales. Des hommes en habit, des
femmes élégantes et d'autres en cheveux, accompagnées
de cavaliers aux allures un peu inquiétantes.
Toute
cette foule était venue en auto, en fiacre. Il y a des
chauffeurs et des cochers qui ont fait de folles recettes. A coté
de ceux qui demandaient la forte somme aux bourgeois cossus, des
cochers, debout sur leurs sièges, sur le boulevard, à
Mon Martre, au quartier Latin criaient : " Cent sous pour
la fusillade de Nogent ! " et les voitures étaient
prise d'assaut.
A
Nogent, jamais les jours où les Parisiens envahissent ce
coin de verdure on n'avait vu pareille foule assoiffée
et affamée.
Les
provisions solides manquèrent : la boisson aussi. Le pain
et le saucisson faisaient prime. Un cafetier, plus avisé,
téléphona pour se faire apporter des fûts
de bière par un camion automobile.
Et
pendant ce temps, la fusillade continuait. De braves gens se faisaient
trouer la peau ; il y avait des taches rouges un peu partout,
mais lorsque ce fut fini, on vit des dames très bien vêtues
et d'autres moins élégantes qui allaient trempé
leur mouchoir dans le sang, dans celui de Garnier ou de Vallet,
bien entendu pendant que leurs compagnons s'emparaient de morceaux
de bois, de débris quelconques. Les balles, tout de suite
extraites par des gens industrieux, se vendaient un louis !
La
journée à Nogent
Les
gardiens de la paix parisiens qui étaient restés,
hier matin, sur les lieux du drame, après la capture des
deux bandits, eurent beaucoup de peine à protéger
la villa du " Moulin-Rouge ", dont ils avaient la garde,
contre l'envahissement de la foule.
Ce
fut, en effet, pendant toute la journée, un défilé
ininterrompu de visiteurs, venus de Paris et des localités
environnantes et prêts à forcer les barrages afin
de pouvoir contempler ce qui reste de la maison assiégée.
La dernière demeure de Garnier et Vallet n'a cessé
d'attirer une affluence considérable.
Les
officiers et sous-officiers de la garnison de Vincennes, les élèves
de l'école de gymnastique de Joinville, vinrent dès
l'aube pour visiter le repaire fameux. Puis des automobilistes
amenèrent d'élégants voyageurs, des littérateurs
connus, des escrimeurs en renom et même de charmantes actrices.
Chacun
n'a qu'un cri : " comment, après un siège de
huit heures et malgré la dynamite, la mélinite et
les mitrailleuses, la bicoque est encore debout ! " Et, en
effet, le pavillon ne paraît avoir, en apparence, que relativement
peu souffert du furieux assaut .
Certes,
les murs sont criblés de trous. Combien de balles sont
venues se loger, de tous côtés, sur le bâtiment
qui abritait les deux malfaiteurs ?
Certes
les tuiles de la toiture sont, pour la plupart, réduites
en miettes et il ne reste plus rien des cheminées. Quant
aux portes et aux fenêtres, elles sont arrachées
et les vitres brisées, soit par des projectiles, soit par
la violente vibration d'air produite par l'explosion de bombes.
Mais,
somme toute, le petit immeuble
..
des traces de dévastations qui l'entourent.
Les
zouaves du 1er régiment se voient très entourés.
C'est à qui leur demandera un récit saisissant des
évènements de la veille. Ils s'y prêtent avec
bonne grâce en reportant le mérite de leur attitude
sur l'exemple d'intrépidité et de courge qui leur
fut donné, par le lieutenant Letournier, du 5ème
bataillon.
Les
curieux traversent, pour s'approcher du gîte tragique, les
jardins des propriétés voisines dont la haie de
clôture à été piétinée,
renversée, arrachée par les soldats et les policiers
au moment de l'assaut. Des branches d'arbres brisées pendent
lamentablement sur le gazon maculé. Partout de petits trous
dans l'écorce indiquent le trajet d'une balle Lebel ou
d'un projectile de browning.
Jusqu'à
l'arrivée de M. Guichard, qui y mettra un terme, c'est,
du reste, une recherche passionnée, dans les troncs d'arbres
ou de débris gisant à terre, du moindre projectile
qui rappellera le souvenir de la prise de Garnier.
Dans
la Villa sinistre
Si
l'on pénètre dans la villa, où flotte encore,
à travers les pièces, une odeur âcre de poudre,
le spectacle est assez poignant. Les locaux sont peu garnis. Dans
les quatre pièces ; deux lits, une armoire, une cuisinière
une table et quelques chaises et c'est tout.
L'un
des lits est renversé. On s'est évidemment servi
comme d'un rempart, car les redoutables balles des zouaves traversaient
l'épaisseur des murs. Dans un coin du rez-de-chaussée
gît un matelas ensanglanté et laissant échapper
des paquets de laine. C'est là-dessus que Garnier a été
trouvé râlant, au milieu du duvet des traversins
éventrés ? Et par ci par là, un ustensile
de cuisine. Le désordre est complet.
Le
public s'arrête également devant le portique qui
s'élevait dans le jardinet et où sont suspendus
une paire d'anneaux neufs. Les pieds se heurtent à des
débris de poutres de moellons amenés ? ? ? ? sous
l'action des balles. On frémit ? ? ? ; ; ; ; ; ; ; ; ;
; ;
L'autopsie
de Vallet et Garnier
Le
docteur Paul médecin légiste, a remis hier à
M. Gilbert juge d'instruction, son rapport sur l'autopsie des
corps de Garnier et Vallet.
Au
sujet de Garnier, le praticien déclare que la mort est
le résultat d'un coup de feu tiré à bout
portant dans la région dans la région de la tempe
droite et ayant traversé de part en part la boîte
crânienne. Ce coup de feu peut avoir été tiré
par Garnier lui-même.
Une
balle d'un revolver d'ordonnance modèle 1892 avait antérieurement
atteint la poitrine au côté gauche et travers la
partie antérieure du thorax.
Un autre projectile a atteint le blessé pendant l'agonie.
La mort de Vallet est le résultat de deux blessures déterminées
par des projectiles d'armes à feu. Les deux balles ont
été tirées à courte distance et pénétré
la région orbitaire gauche. De ces deux projectiles l'un
venait d'un revolver d'ordonnance modèle 1873 ; il a été
retrouvé dans l'intérieur de la boîte crânienne.
L'autre balle, qui appartenait à un browning était
ressortie à la face postérieure du crâne.
Vallet avait été atteint, en outre, par trois autres
balles, une au milieu de l'épaule droite, les deux autres
au niveau de la face.
Dans la matinée, le père de Vallet, s'est présenté
pour voir le corps sanglant de son fils. Il a montré une
vive émotion de ce spectacle.
M. Bertillon, directeur du service anthropométrique, a
envoyé à la Morgue plusieurs de ses collaborateurs.
Ils ont pris des clichés et mensuré les deux cadavres.
Les
précisions de M. Guichard
Un
mouvement se produit, à onze heures, dans la foule très
dense qui s'est massée rue du Viaduc, devant la villa du
" Moulin-Roug e ". On se montre M. Guichard, le chef
de la Sûreté qui arrive en compagnie de ses collaborateurs,
MM. Legrand et Niclausse, sous-chefs, et Guillaume, secrétaire.
Très alerte, sans la trace de la moindre fatigue d'un travail
laborieux de quatre mois consacrés à une chasse
tenace aux bandits, M. Guichard, qui ne garde de ses longues randonnées
qu'un enrouement gênant, a tenu à se rendre compte
des conditions de la bataille de la veille.
Il refait le parcours initial qui l'amena vers cinq heures de
l'après-midi, pour la première fois, devant la villa.
- Si j'avais su, dit-il, je ne me serai pas exposé immédiatement
à l'attaque de Garnier et de Vallet. Il suffisait de me
placer ? ? ?
.
Peut-être en les laissant sortir sans méfiance dans
le jardin, aurions-nous pu les avoir plus facilement.
Puis le chef de la Sûreté se mit à l'endroit
où se trouvait le brigadier Fleury quant il tomba sous
les balles de ses agresseurs. Le policier possédait un
abri suffisant le long d'un mur, à la condition expresse
de ne pas s'en écarter d'un centimètre.
- Les misérables faisaient preuve , ajoute-t-il, d'une
réelle adresse dans le tir. Voyez les traces de leurs projectiles.
Cela formerait un merveilleux carton. Dès qu'ils ont aperçu
un coin de l'épaule du malheureux Fleury, ils ont visé
et touché juste. Le préfet de police lui-même
n'a échappé que par hasard à la mort. La
balle qui lui était destinée vint se perdre dans
le mur. Il s'en est fallu de très peu que M. Lépine
ma reçut e pleine poitrine.
M. Guichard poursuit ses observations. Les bandits utilisaient
toutes les meurtrières pratiquées dans les murs..
Par moment, ils se livraient à tir en plongeant en montant
sur les lits. Grâce à un large trou pratiqué
dans le plancher, ils pouvaient descendre à la cave sans
être obligés de sortir, comme l'exigeait la disposition
des lieux.
Comment Garnier et Vallet ont-ils réussi à gagner
le premier étage, où l'on ne pouvait accéder
qu'en empruntant un escalier extérieur ? On l'ignore encore.
Cet escalier fit naître, du reste, un pressentiment funèbre
chez la maîtresse de Garnier quand elle arriva pour la première
fois, au " Moulin-Rouge ".
- Je suis sûre dit-elle à son amant qu'il nous arrivera
malheur. Souviens-toi que le garage Dubois était muni,
à Choisy-Le-Roi, du même genre d'escalier. Je ne
suis pas tranquille.
Garnier
haussait les épaules. Il rêvait, prétendait-il,
de se refaire une vie honnête dans ce coin tranquille et
pittoresque et disait, par conséquent, ne craindre rien.
Dans la conversation, à bâtons rompus, le chef de
la Sûreté évoque ce souvenir. Il bat tous
les coins et recoins du bâtiment sinistre en attendant l'arrivée
des magistrats du Parquet.
La perquisition
Il
est près de midi quand MM. Lescoué -, procureur
de la République ; Gilbert, juge d'instruction ; Mouton,
secrétaire général du Parquet, et le docteur
Paul, médecin légiste, pénètrent à
leur tour dans la propriété. Il décident
aussitôt de faire fouiller attentivement les décombres
de la maison et ne tardent pas à mettre la main sur une
bombe que l'on crût être confectionnée par
les deux malfaiteurs.
L'erreur fut vite reconnue. Il s'agissait de l'explosif à
la cheddite( ?), fabriqué par le Laboratoire municipal
et qui fût jeté, comme nous l'avons dit, du haut
du viaduc. Sur les trois engins semblables qui furent lancés
de la même manège ( ?), un seul explosa en n'occasionnant
qu'une brèche peu importante. Le second explosif n'eut
son effet que par la déflagration provoquée, beaucoup
plus tard, par la cartouche à la dynamite. Le troisième,
resté intact, avait été laissé dans
l'appartement.
Malgré le grand soin apporté par M. Kling, directeur
du Laboratoire municipal, dans la confection des engins à
la mélinite composés de vingt-cinq pétards,
ceux-ci ne produisent pas le résultat décisif qu'on
attendait.
M. Kling les fit exploser lui-même à distance à
l'aide d'un courant électrique. Un trou de cinquante sur
soixante centimètres se trouva creusé dans le mur
de la villa à la suite de cet essai. Et le lit occupé
par Garnier était placé au-dessus. La commotion
fut formidable. Mas les bandits, s'en tirèrent encore.
On pense que ces derniers, qui avaient huit brownings à
leur disposition, ont dû tirer approximativement 640 cartouches.
Ils avaient vraisemblablement penser soutenir un long siège
car les provisions de bouche de toutes sortes, déposées
au grenier, auraient suffi à leur nourriture pendant un
mois.
Quand ils se virent perdus, acculés à une mort,
ils songèrent à détruire certains papiers
compromettants. Les magistrats ont relevé, en effet, dans
les chambres, des restes de papiers à demi brûlés
et des fragments de métaux.
Ont-ils anéanti, par la même occasion, leur petite
fortune, que la police évalue à une dizaine de mille
francs, tant en billets et en valeurs qu'en pièces ? C'est
probable.
Pendant l'après-midi, des inspecteurs de la Sûreté
ont retourné la terre du jardinet où les criminels
auraient parfaitement pu dissimuler des objets essentiels à
l'instruction. Ils n'y ont rien découvert.
Quelques
scellés
Avant
cette perquisition officielle, tout aussitôt après
le drame, une première visite a été faite
par M. Guichard et MM. Les commissaires Gourdel, Magnau et Rebat.
Une grande valise en cuir jaune fut saisie, elle contenant des
vêtements et des papiers, un rel ? ? de femme, un pistolet
) répétition Mauser neuf et des cartouches, un pardessus
ayant appartenu à Garnier et encore un petit sac e cuir
fermé à clé. On l'ouvrit ; il renfermait
une médaille de Sainte Madeleine, un bâton contre
la migraine et un minuscule carnet, où Garnier avait tracé
au crayon ceci :
" L'homme raisonne de plus en plus, mais cette évolution
est lente, car elle est retardée par l'ignorance. L'homme
ignorant est autoritaire ou bien il subit l'autorité
"
Le petit sac renfermait encore un brouillon de lettre, un écrit
assez incohérent, adressé à MM. Gilbert et
Bertillon, et dans lequel Garnier déclarait qu'il allait
prouver l'innocence de Medge et de Garouy dans le double assassinat
de Thiais, mais il n'allait pas plus loin.
Enfin, toujours dans ce petit sac, il y avait une collection de
coupures de journaux, notamment les portraits de MM Guichard,
Niclause, Hébert, et de l'agent Gamard.
Dans un autre sac en cuir jaune, moins volumineux que le premier,
un sac à mais presque, il y avait des outils : ciseaux,
limes, tarières, pinces. Puis au font des cosmétiques,
un " calot " en faux cheveux bruns, un peigne de femme,
du savon en poudre, du poivre dans un petit sac en papier, un
guide des environs de Paris, dont le signet marquait la page relative
à Chantilly ; un journal de Belgique et un petit recueil
comme en vendent les pitres des foires : " cents calembours
et mots d'esprit pour deux sous. "
Sur ce recueil, dans une marge, on avait écrit, au crayon,
(c'est, croit-on l'écriture de Garnier) : " ce n'est
pas out de faire le " joint ", il faut supprimer la
" guiche ; "
Cette plaisanterie féroce s'applique évidemment
à l'infortuné Jouin et à M. Guichard, que
les bandits appellent familièrement " La Guiche ".
Les
chiens de police
On sait que les chiens de police ont joué un certain rôle
dans le siège de Nogent. A plusieurs reprises les braves
bêtes furent lancées vers les ouvertures pratiquées
par les bombes, mai les pauvres toutous, incommodés par
les gaz produits par l'explosion, ne puretn avancer.
Les
victimes des bandits
L'att du brigadier Fleury reste stationnaire. Certes, la blessure
est grave, mais on a bon espoir.
Pierre-Joseph Fleury eest né le 17 mars 1873 à Landepéreuse
(Eure). Il fit son service militaire au 2ème Zouave et
obtint les galons
..
; de police le 16 ocotbre 1897 comme inspecteur de la Sûreté
? Nommé sous-brigadier le 1er novembre 1905, il est brigadier
depuis le 1er juillet 1911.
Fleury, qui a opéré sous d'innombrables arrestations
de malfaiteurs, a été blessé plusieurs fois,
notamment le 24 décembre 1900, le 10 août 1901 ;
le 29 janvier 1904, le 26 avril 1909.
Il fut, à différentes reprises, recompensé
de son courage. Le 1er août 1895, il reçut une médaille
d'argent de deuxième classe ; le 8 févrieir 1909,
il reçut la médaille d'argent de première
classe, puis une médaille de verneil le 19 ocotbre 1909,
enfin on luii attribua, le 3 décembre 1910, la médaille
d'or et, tout dernièrement à la suite de ? ? ? ?
? ? ? ? ?,
Hippolyte Gros est né le 8 août 1867 à Paris.
Il fit son service au 148è d'infanterie et entra il la
préfecture le 23 août 1892. Il est attaché
à la circonspection de Charenton depuis le 1er janvier
1907.
Marié, père de deux enfants, Gros est un excellent
serviteur qui s'est distingué plusieurs fois dans des circonstances
périlleuses. Il a déjà obtenu : une mention
honorable en 1897, une médaille d'argent de deuxième
classe la même année, une médaille d'argent
de première classe en 1900, une médaille de bronze
en 1910.
Le gardien Léger, du douzième arrondissement, frappé
par un projectile à l'épaule n'est pas en danger
de mort mais la blessure est sérieuse, car on croit que
l'articulation a été atteinte, ce qui pourrait entraîner
la perte de l'usage du bras.
Photos
Les agents blessés 1. L'Inspecteur Cayrouz ; 2. Sous-brigadier
Gros ; 3. Le Gardien Léger.
Le
gardien Léger est attaché à la brigade du
12e arrondissement depuis une douzaine d'années. C'est
un excellent serviteur, très bien noté, titulaire
depuis 1910 d'une médaille de bronze.
Léger est âgé de trente-quatre ans ; il est
marié et père de deux enfants.
Chez
M. Vallet
Nous nous sommes rendus 92, boulevard de Port-Royal, où
habite la famille de Vallet.
Nos lecteurs savent déjà que les parents du bandit
sont parfaitement honorables. Son père, qui est entrepreneur
de travaux publics, a trois enfants, deux filles et un garçon
?..
Sa douleur, si grande, ainsi que celle de sa femme, se trouve,
nous a-t-on dit, quelque peu atténuée par la fin
brusque de son fils ; il préfère cette mort à
celle plus infamante encore qui lui eût été
réservée s'il avait survécu.
Au
Parquet
La mort de Garnier et de Vallet, survenant après celle
de Bonnot, allège considérablement la tâche
de M. Gilbert. Celle-ci n'en reste pas moins considérable
et le magistrat avant de clore son information, aura un grand
nombre de questions de détail à régler. Hier
il a procédé à plusieurs interrogatoires.
Callemin a, suivant un usage qui tend à se répandre,
été interrogé à la Santé par
le magistrat instructeur, Me Georges Boicheron assistait à
cet interrogatoire.
Questionné sur les motifs qui l'avaient poussé à
se rendre acquéreur d'un revolver par l'intermédiaire
de son hôte Jourdan, Gallmin n'a fait que des réponses
vagues.
? ? ? ? ? ? ? ? ? le rôle important que lui prête
la police belge dans les milieux anarchistes de Bruxelles, rectifiant
seulement le rapport sur un point ; à savoir que sa propagande
a commencé, non pas à dix-neuf ans, mais à
seize.
M. Gilbert a, n outre, confronté Simentoff avec un témoin
qui déclare reconnaître en lui l'homme par qui fut
tué à Chantilly, M. Legendre, employé de
la Société Générale.
Ajoutons que Grozat de Fleury, questionné sur l'origine
des statuettes d'ivoire envoyées par lui à sa tante
et saisies en gare d'Agen, a déclaré que ces statuettes
lui avaient été remises par Cardy en paiement d'une
créance importante qu'il possédait.
La jeune femme est inculpée de recel de malfaiteur.
Encore une arrestation mystérieuse
On a appris hier que M. Guichard avait arrêté lundi
un nommé Millet et sa maîtresse, un personne connue
sous le nom de Flora.
D'après l'enquête faite par les agents de la Sûreté,
l'homme se nomme en réalité Couvin, il est originaire
de Reims et déserteur du 147è d'infanterie. Il se
faisait appeler tantôt Millet, tantôt Carré.
La jeune femme, une veuve, a nom Flora Trinquet, née Maucotel,
elle est née à Paris et est âgée de
24 ans.
Couvin et sa maîtresse, étaient attendus à
la gare du Nord, lundi, par les agents de la Sûreté.
Ils descendirent d'un train venant de Belgique. Les policiers
les filèrent jusqu'à la rue de Cambronne, où
ils furent arrêtés au moment où ils allaient
pénétrer dans une maison.
Couvin, qui avait protesté contre son arrestation fut conduit
au service de la Sûreté, où M. Guichard lui
demanda s'il n'était pas en relations avec Garnier.
Il répondit qu'il connaissait M. Lescure, le beau-père
de Garnier, lequel habite rue Jeaune-Hachette, qu'il connaissait
également la mère de Garnier, mais que jamais il
n'avait rencontré celui-ci.
Mme Trinquet-Maucotel fut entendue à son tour ; ses explications
furent sans doute satisfaisantes, car elle fut remise en liberté
peu après.
M. Gilbert, interrogé hier soir sur l'arrestation de Couvin,
déclara nettement qu'il n'avait pas connaissance et qu'il
estimait qu'elle ne devait pas avoir d'intérêt, puisque
M. Guichard ne l'en avait pas informé.
Boulevard Bessières, 115, où, disait-on habite la
compagne de Couvin, si on ignore Melle Trinquet, on a conservé
le souvenir de Mme Maucotel.
- Cette personne, nous dit-on, a habité la maison au terme
d'avril dernier. Elle couchait ici très irrégulièrement
et restait quelques fois sans revenir chez elle. Nous n'avons
jamais entendu prononcé le nom de Couvin ou de Millet,
mais il est peut-être venu ici car Mme Maucotel recevait
de nombreuses visites masculines. "
Enfin ajoutons qu'on chuchotait hier soir que Couvin et son amie
n'étaient autres que les mystérieux époux
Mathurin qui avaient habité au 96, avenue de Saint Ouen
et qui avaient été pris pour Vallet et pour la maîtresse
de celui-ci.
Les
jours se suivent
.
Je n'oublierai de longtemps cette exquise soirée, légère,
tendre, parfumée, voluptueuses. Elle avait toute la suavité
du printemps et déjà la langueur de l'été
; jamais heure ne fut plus clémente aux amoureux et aux
poètes
Soudain, des camelots hurlent : " les bandits cernés
! Troisième édition ! Demandez les détails
"
Mais les couples ; qui devisent sous les arbres, ne demandent
que du silence ? Ceux qui roulent vers le Bois, dans ces voitures
découvertes, ne savent rien non plus, et ne veulent rien
savoir. Il leur suffit de rêver aux étoiles, en buvant
de l'aire frais
- la fusillade continue ! Ils ne peuvent plus échapper
! On a déjà tiré plus de deux mille balles
On va faire sauter la maison
Que le ciel est doux ! Que les fleurs sentent bon ! Que les femmes
sont jolies ! Ce soir, tout le monde est dehors, dans la rue,
dans les jardins. Sur le seuil de leur porte ou aux terrasses
des cafés, les braves gens qui ont travaillé tout
le jour, naïvement, humblement, jouissent en paix de la merveilleuse
quiétude. Et l'on songe à ces jeunes hommes, deux
fois misérables, qui luttent là-bas désespérément,
noirs de poudre, hagards, sanglants, et qui, parce qu'ils ont
voulu " vivre leur vie ", comme ils disent, vont mourir
à vingt ans, n'ayant même pas savouré, sans
souci, sans fièvre, sans remords, la simple et délicieuse
joie d'un soir comme celui-ci, qui baigne de bonheur la ville
assoupie
Quelle grande leçon tient dans l'ironie de tels contrastes
! Et s'il est vrai que l'intérêt doive être
un jour le seul mobile de nos ? ? ? ? ?
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Préfecture
de Police de Paris / Archives Historique. |