Le Magasin Pittoresque.

Le Journal/Jeudi 16 mai 1912.

Une journée de perquisitions à la villa tragique.

- Autopsie des deux bandits.

- Garnier se serait suicidé.

- Une arrestation mystérieuse rue Cambronne.

 

Garnier et Vallet ont résisté à la police, aux zouaves, aux gendarmes pendant neuf heures . Les premiers coups de feu tirés par eux sur les brigades (…………………) dix minutes du matin, la fusillade crépita. Combien a-t-on brûlé de cartouches des deux côtés ? Des milliers ! les deux dernières balles furent tirées par Vallet sur M. Lépine, qui, impétueux comme toujours, s'était avancé et avait amené à lui brusquement le volet à demi fermé de la chambre du rez-de-chaussée où était tapi le bandit.

Les assiégeants ripostèrent une dernière fois ; cent cinquante projectiles convergèrent vers cette fenêtre. Ce fut la fin.

Pantelantes, piétinées, frappées les deux loques humaines furent traînées, hissées dans les automobiles qui les emportèrent vers Paris, à la Morgue où déjà Bonnot et Dubois avaient été apportés dix-huit jours auparavant.

Bien des gens garderont de cette nuit tragique un souvenir très vif, car ils étaient nombreux ceux qui étaient venus de Paris pour voir " le siège ".

Un public très mêlé et qui rappelait vaguement celui des exécutions capitales. Des hommes en habit, des femmes élégantes et d'autres en cheveux, accompagnées de cavaliers aux allures un peu inquiétantes.

Toute cette foule était venue en auto, en fiacre. Il y a des chauffeurs et des cochers qui ont fait de folles recettes. A coté de ceux qui demandaient la forte somme aux bourgeois cossus, des cochers, debout sur leurs sièges, sur le boulevard, à Mon Martre, au quartier Latin criaient : " Cent sous pour la fusillade de Nogent ! " et les voitures étaient prise d'assaut.

A Nogent, jamais les jours où les Parisiens envahissent ce coin de verdure on n'avait vu pareille foule assoiffée et affamée.

Les provisions solides manquèrent : la boisson aussi. Le pain et le saucisson faisaient prime. Un cafetier, plus avisé, téléphona pour se faire apporter des fûts de bière par un camion automobile.

Et pendant ce temps, la fusillade continuait. De braves gens se faisaient trouer la peau ; il y avait des taches rouges un peu partout, mais lorsque ce fut fini, on vit des dames très bien vêtues et d'autres moins élégantes qui allaient trempé leur mouchoir dans le sang, dans celui de Garnier ou de Vallet, bien entendu pendant que leurs compagnons s'emparaient de morceaux de bois, de débris quelconques. Les balles, tout de suite extraites par des gens industrieux, se vendaient un louis !

La journée à Nogent

Les gardiens de la paix parisiens qui étaient restés, hier matin, sur les lieux du drame, après la capture des deux bandits, eurent beaucoup de peine à protéger la villa du " Moulin-Rouge ", dont ils avaient la garde, contre l'envahissement de la foule.

Ce fut, en effet, pendant toute la journée, un défilé ininterrompu de visiteurs, venus de Paris et des localités environnantes et prêts à forcer les barrages afin de pouvoir contempler ce qui reste de la maison assiégée. La dernière demeure de Garnier et Vallet n'a cessé d'attirer une affluence considérable.

Les officiers et sous-officiers de la garnison de Vincennes, les élèves de l'école de gymnastique de Joinville, vinrent dès l'aube pour visiter le repaire fameux. Puis des automobilistes amenèrent d'élégants voyageurs, des littérateurs connus, des escrimeurs en renom et même de charmantes actrices.

Chacun n'a qu'un cri : " comment, après un siège de huit heures et malgré la dynamite, la mélinite et les mitrailleuses, la bicoque est encore debout ! " Et, en effet, le pavillon ne paraît avoir, en apparence, que relativement peu souffert du furieux assaut .

Certes, les murs sont criblés de trous. Combien de balles sont venues se loger, de tous côtés, sur le bâtiment qui abritait les deux malfaiteurs ?

Certes les tuiles de la toiture sont, pour la plupart, réduites en miettes et il ne reste plus rien des cheminées. Quant aux portes et aux fenêtres, elles sont arrachées et les vitres brisées, soit par des projectiles, soit par la violente vibration d'air produite par l'explosion de bombes.

Mais, somme toute, le petit immeuble …………….. des traces de dévastations qui l'entourent.

Les zouaves du 1er régiment se voient très entourés. C'est à qui leur demandera un récit saisissant des évènements de la veille. Ils s'y prêtent avec bonne grâce en reportant le mérite de leur attitude sur l'exemple d'intrépidité et de courge qui leur fut donné, par le lieutenant Letournier, du 5ème bataillon.

Les curieux traversent, pour s'approcher du gîte tragique, les jardins des propriétés voisines dont la haie de clôture à été piétinée, renversée, arrachée par les soldats et les policiers au moment de l'assaut. Des branches d'arbres brisées pendent lamentablement sur le gazon maculé. Partout de petits trous dans l'écorce indiquent le trajet d'une balle Lebel ou d'un projectile de browning.

Jusqu'à l'arrivée de M. Guichard, qui y mettra un terme, c'est, du reste, une recherche passionnée, dans les troncs d'arbres ou de débris gisant à terre, du moindre projectile qui rappellera le souvenir de la prise de Garnier.

Dans la Villa sinistre

Si l'on pénètre dans la villa, où flotte encore, à travers les pièces, une odeur âcre de poudre, le spectacle est assez poignant. Les locaux sont peu garnis. Dans les quatre pièces ; deux lits, une armoire, une cuisinière une table et quelques chaises et c'est tout.

L'un des lits est renversé. On s'est évidemment servi comme d'un rempart, car les redoutables balles des zouaves traversaient l'épaisseur des murs. Dans un coin du rez-de-chaussée gît un matelas ensanglanté et laissant échapper des paquets de laine. C'est là-dessus que Garnier a été trouvé râlant, au milieu du duvet des traversins éventrés ? Et par ci par là, un ustensile de cuisine. Le désordre est complet.

Le public s'arrête également devant le portique qui s'élevait dans le jardinet et où sont suspendus une paire d'anneaux neufs. Les pieds se heurtent à des débris de poutres de moellons amenés ? ? ? ? sous l'action des balles. On frémit ? ? ? ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ;

L'autopsie de Vallet et Garnier

Le docteur Paul médecin légiste, a remis hier à M. Gilbert juge d'instruction, son rapport sur l'autopsie des corps de Garnier et Vallet.

Au sujet de Garnier, le praticien déclare que la mort est le résultat d'un coup de feu tiré à bout portant dans la région dans la région de la tempe droite et ayant traversé de part en part la boîte crânienne. Ce coup de feu peut avoir été tiré par Garnier lui-même.

Une balle d'un revolver d'ordonnance modèle 1892 avait antérieurement atteint la poitrine au côté gauche et travers la partie antérieure du thorax.
Un autre projectile a atteint le blessé pendant l'agonie.
La mort de Vallet est le résultat de deux blessures déterminées par des projectiles d'armes à feu. Les deux balles ont été tirées à courte distance et pénétré la région orbitaire gauche. De ces deux projectiles l'un venait d'un revolver d'ordonnance modèle 1873 ; il a été retrouvé dans l'intérieur de la boîte crânienne. L'autre balle, qui appartenait à un browning était ressortie à la face postérieure du crâne.
Vallet avait été atteint, en outre, par trois autres balles, une au milieu de l'épaule droite, les deux autres au niveau de la face.
Dans la matinée, le père de Vallet, s'est présenté pour voir le corps sanglant de son fils. Il a montré une vive émotion de ce spectacle.
M. Bertillon, directeur du service anthropométrique, a envoyé à la Morgue plusieurs de ses collaborateurs. Ils ont pris des clichés et mensuré les deux cadavres.

Les précisions de M. Guichard

Un mouvement se produit, à onze heures, dans la foule très dense qui s'est massée rue du Viaduc, devant la villa du " Moulin-Roug e ". On se montre M. Guichard, le chef de la Sûreté qui arrive en compagnie de ses collaborateurs, MM. Legrand et Niclausse, sous-chefs, et Guillaume, secrétaire.
Très alerte, sans la trace de la moindre fatigue d'un travail laborieux de quatre mois consacrés à une chasse tenace aux bandits, M. Guichard, qui ne garde de ses longues randonnées qu'un enrouement gênant, a tenu à se rendre compte des conditions de la bataille de la veille.
Il refait le parcours initial qui l'amena vers cinq heures de l'après-midi, pour la première fois, devant la villa.
- Si j'avais su, dit-il, je ne me serai pas exposé immédiatement à l'attaque de Garnier et de Vallet. Il suffisait de me placer ? ? ? …………….
Peut-être en les laissant sortir sans méfiance dans le jardin, aurions-nous pu les avoir plus facilement.
Puis le chef de la Sûreté se mit à l'endroit où se trouvait le brigadier Fleury quant il tomba sous les balles de ses agresseurs. Le policier possédait un abri suffisant le long d'un mur, à la condition expresse de ne pas s'en écarter d'un centimètre.
- Les misérables faisaient preuve , ajoute-t-il, d'une réelle adresse dans le tir. Voyez les traces de leurs projectiles. Cela formerait un merveilleux carton. Dès qu'ils ont aperçu un coin de l'épaule du malheureux Fleury, ils ont visé et touché juste. Le préfet de police lui-même n'a échappé que par hasard à la mort. La balle qui lui était destinée vint se perdre dans le mur. Il s'en est fallu de très peu que M. Lépine ma reçut e pleine poitrine.
M. Guichard poursuit ses observations. Les bandits utilisaient toutes les meurtrières pratiquées dans les murs.. Par moment, ils se livraient à tir en plongeant en montant sur les lits. Grâce à un large trou pratiqué dans le plancher, ils pouvaient descendre à la cave sans être obligés de sortir, comme l'exigeait la disposition des lieux.
Comment Garnier et Vallet ont-ils réussi à gagner le premier étage, où l'on ne pouvait accéder qu'en empruntant un escalier extérieur ? On l'ignore encore. Cet escalier fit naître, du reste, un pressentiment funèbre chez la maîtresse de Garnier quand elle arriva pour la première fois, au " Moulin-Rouge ".
- Je suis sûre dit-elle à son amant qu'il nous arrivera malheur. Souviens-toi que le garage Dubois était muni, à Choisy-Le-Roi, du même genre d'escalier. Je ne suis pas tranquille.

Garnier haussait les épaules. Il rêvait, prétendait-il, de se refaire une vie honnête dans ce coin tranquille et pittoresque et disait, par conséquent, ne craindre rien. Dans la conversation, à bâtons rompus, le chef de la Sûreté évoque ce souvenir. Il bat tous les coins et recoins du bâtiment sinistre en attendant l'arrivée des magistrats du Parquet.
La perquisition

Il est près de midi quand MM. Lescoué -, procureur de la République ; Gilbert, juge d'instruction ; Mouton, secrétaire général du Parquet, et le docteur Paul, médecin légiste, pénètrent à leur tour dans la propriété. Il décident aussitôt de faire fouiller attentivement les décombres de la maison et ne tardent pas à mettre la main sur une bombe que l'on crût être confectionnée par les deux malfaiteurs.
L'erreur fut vite reconnue. Il s'agissait de l'explosif à la cheddite( ?), fabriqué par le Laboratoire municipal et qui fût jeté, comme nous l'avons dit, du haut du viaduc. Sur les trois engins semblables qui furent lancés de la même manège ( ?), un seul explosa en n'occasionnant qu'une brèche peu importante. Le second explosif n'eut son effet que par la déflagration provoquée, beaucoup plus tard, par la cartouche à la dynamite. Le troisième, resté intact, avait été laissé dans l'appartement.
Malgré le grand soin apporté par M. Kling, directeur du Laboratoire municipal, dans la confection des engins à la mélinite composés de vingt-cinq pétards, ceux-ci ne produisent pas le résultat décisif qu'on attendait.
M. Kling les fit exploser lui-même à distance à l'aide d'un courant électrique. Un trou de cinquante sur soixante centimètres se trouva creusé dans le mur de la villa à la suite de cet essai. Et le lit occupé par Garnier était placé au-dessus. La commotion fut formidable. Mas les bandits, s'en tirèrent encore.
On pense que ces derniers, qui avaient huit brownings à leur disposition, ont dû tirer approximativement 640 cartouches. Ils avaient vraisemblablement penser soutenir un long siège car les provisions de bouche de toutes sortes, déposées au grenier, auraient suffi à leur nourriture pendant un mois.
Quand ils se virent perdus, acculés à une mort, ils songèrent à détruire certains papiers compromettants. Les magistrats ont relevé, en effet, dans les chambres, des restes de papiers à demi brûlés et des fragments de métaux.
Ont-ils anéanti, par la même occasion, leur petite fortune, que la police évalue à une dizaine de mille francs, tant en billets et en valeurs qu'en pièces ? C'est probable.
Pendant l'après-midi, des inspecteurs de la Sûreté ont retourné la terre du jardinet où les criminels auraient parfaitement pu dissimuler des objets essentiels à l'instruction. Ils n'y ont rien découvert.

Quelques scellés

Avant cette perquisition officielle, tout aussitôt après le drame, une première visite a été faite par M. Guichard et MM. Les commissaires Gourdel, Magnau et Rebat.
Une grande valise en cuir jaune fut saisie, elle contenant des vêtements et des papiers, un rel ? ? de femme, un pistolet ) répétition Mauser neuf et des cartouches, un pardessus ayant appartenu à Garnier et encore un petit sac e cuir fermé à clé. On l'ouvrit ; il renfermait une médaille de Sainte Madeleine, un bâton contre la migraine et un minuscule carnet, où Garnier avait tracé au crayon ceci :
" L'homme raisonne de plus en plus, mais cette évolution est lente, car elle est retardée par l'ignorance. L'homme ignorant est autoritaire ou bien il subit l'autorité… "
Le petit sac renfermait encore un brouillon de lettre, un écrit assez incohérent, adressé à MM. Gilbert et Bertillon, et dans lequel Garnier déclarait qu'il allait prouver l'innocence de Medge et de Garouy dans le double assassinat de Thiais, mais il n'allait pas plus loin.
Enfin, toujours dans ce petit sac, il y avait une collection de coupures de journaux, notamment les portraits de MM Guichard, Niclause, Hébert, et de l'agent Gamard.
Dans un autre sac en cuir jaune, moins volumineux que le premier, un sac à mais presque, il y avait des outils : ciseaux, limes, tarières, pinces. Puis au font des cosmétiques, un " calot " en faux cheveux bruns, un peigne de femme, du savon en poudre, du poivre dans un petit sac en papier, un guide des environs de Paris, dont le signet marquait la page relative à Chantilly ; un journal de Belgique et un petit recueil comme en vendent les pitres des foires : " cents calembours et mots d'esprit pour deux sous. "
Sur ce recueil, dans une marge, on avait écrit, au crayon, (c'est, croit-on l'écriture de Garnier) : " ce n'est pas out de faire le " joint ", il faut supprimer la " guiche ; "
Cette plaisanterie féroce s'applique évidemment à l'infortuné Jouin et à M. Guichard, que les bandits appellent familièrement " La Guiche ".

Les chiens de police
On sait que les chiens de police ont joué un certain rôle dans le siège de Nogent. A plusieurs reprises les braves bêtes furent lancées vers les ouvertures pratiquées par les bombes, mai les pauvres toutous, incommodés par les gaz produits par l'explosion, ne puretn avancer.

Les victimes des bandits
L'att du brigadier Fleury reste stationnaire. Certes, la blessure est grave, mais on a bon espoir.
Pierre-Joseph Fleury eest né le 17 mars 1873 à Landepéreuse (Eure). Il fit son service militaire au 2ème Zouave et obtint les galons ……………………….. ; de police le 16 ocotbre 1897 comme inspecteur de la Sûreté ? Nommé sous-brigadier le 1er novembre 1905, il est brigadier depuis le 1er juillet 1911.
Fleury, qui a opéré sous d'innombrables arrestations de malfaiteurs, a été blessé plusieurs fois, notamment le 24 décembre 1900, le 10 août 1901 ; le 29 janvier 1904, le 26 avril 1909.
Il fut, à différentes reprises, recompensé de son courage. Le 1er août 1895, il reçut une médaille d'argent de deuxième classe ; le 8 févrieir 1909, il reçut la médaille d'argent de première classe, puis une médaille de verneil le 19 ocotbre 1909, enfin on luii attribua, le 3 décembre 1910, la médaille d'or et, tout dernièrement à la suite de ? ? ? ? ? ? ? ? ?,
Hippolyte Gros est né le 8 août 1867 à Paris. Il fit son service au 148è d'infanterie et entra il la préfecture le 23 août 1892. Il est attaché à la circonspection de Charenton depuis le 1er janvier 1907.
Marié, père de deux enfants, Gros est un excellent serviteur qui s'est distingué plusieurs fois dans des circonstances périlleuses. Il a déjà obtenu : une mention honorable en 1897, une médaille d'argent de deuxième classe la même année, une médaille d'argent de première classe en 1900, une médaille de bronze en 1910.
Le gardien Léger, du douzième arrondissement, frappé par un projectile à l'épaule n'est pas en danger de mort mais la blessure est sérieuse, car on croit que l'articulation a été atteinte, ce qui pourrait entraîner la perte de l'usage du bras.
Photos
Les agents blessés 1. L'Inspecteur Cayrouz ; 2. Sous-brigadier Gros ; 3. Le Gardien Léger.

Le gardien Léger est attaché à la brigade du 12e arrondissement depuis une douzaine d'années. C'est un excellent serviteur, très bien noté, titulaire depuis 1910 d'une médaille de bronze.
Léger est âgé de trente-quatre ans ; il est marié et père de deux enfants.

Chez M. Vallet
Nous nous sommes rendus 92, boulevard de Port-Royal, où habite la famille de Vallet.
Nos lecteurs savent déjà que les parents du bandit sont parfaitement honorables. Son père, qui est entrepreneur de travaux publics, a trois enfants, deux filles et un garçon ?..
Sa douleur, si grande, ainsi que celle de sa femme, se trouve, nous a-t-on dit, quelque peu atténuée par la fin brusque de son fils ; il préfère cette mort à celle plus infamante encore qui lui eût été réservée s'il avait survécu.

Au Parquet
La mort de Garnier et de Vallet, survenant après celle de Bonnot, allège considérablement la tâche de M. Gilbert. Celle-ci n'en reste pas moins considérable et le magistrat avant de clore son information, aura un grand nombre de questions de détail à régler. Hier il a procédé à plusieurs interrogatoires.
Callemin a, suivant un usage qui tend à se répandre, été interrogé à la Santé par le magistrat instructeur, Me Georges Boicheron assistait à cet interrogatoire.
Questionné sur les motifs qui l'avaient poussé à se rendre acquéreur d'un revolver par l'intermédiaire de son hôte Jourdan, Gallmin n'a fait que des réponses vagues.
? ? ? ? ? ? ? ? ? le rôle important que lui prête la police belge dans les milieux anarchistes de Bruxelles, rectifiant seulement le rapport sur un point ; à savoir que sa propagande a commencé, non pas à dix-neuf ans, mais à seize.
M. Gilbert a, n outre, confronté Simentoff avec un témoin qui déclare reconnaître en lui l'homme par qui fut tué à Chantilly, M. Legendre, employé de la Société Générale.
Ajoutons que Grozat de Fleury, questionné sur l'origine des statuettes d'ivoire envoyées par lui à sa tante et saisies en gare d'Agen, a déclaré que ces statuettes lui avaient été remises par Cardy en paiement d'une créance importante qu'il possédait.
La jeune femme est inculpée de recel de malfaiteur.
Encore une arrestation mystérieuse
On a appris hier que M. Guichard avait arrêté lundi un nommé Millet et sa maîtresse, un personne connue sous le nom de Flora.
D'après l'enquête faite par les agents de la Sûreté, l'homme se nomme en réalité Couvin, il est originaire de Reims et déserteur du 147è d'infanterie. Il se faisait appeler tantôt Millet, tantôt Carré. La jeune femme, une veuve, a nom Flora Trinquet, née Maucotel, elle est née à Paris et est âgée de 24 ans.
Couvin et sa maîtresse, étaient attendus à la gare du Nord, lundi, par les agents de la Sûreté. Ils descendirent d'un train venant de Belgique. Les policiers les filèrent jusqu'à la rue de Cambronne, où ils furent arrêtés au moment où ils allaient pénétrer dans une maison.
Couvin, qui avait protesté contre son arrestation fut conduit au service de la Sûreté, où M. Guichard lui demanda s'il n'était pas en relations avec Garnier.
Il répondit qu'il connaissait M. Lescure, le beau-père de Garnier, lequel habite rue Jeaune-Hachette, qu'il connaissait également la mère de Garnier, mais que jamais il n'avait rencontré celui-ci.
Mme Trinquet-Maucotel fut entendue à son tour ; ses explications furent sans doute satisfaisantes, car elle fut remise en liberté peu après.
M. Gilbert, interrogé hier soir sur l'arrestation de Couvin, déclara nettement qu'il n'avait pas connaissance et qu'il estimait qu'elle ne devait pas avoir d'intérêt, puisque M. Guichard ne l'en avait pas informé.
Boulevard Bessières, 115, où, disait-on habite la compagne de Couvin, si on ignore Melle Trinquet, on a conservé le souvenir de Mme Maucotel.
- Cette personne, nous dit-on, a habité la maison au terme d'avril dernier. Elle couchait ici très irrégulièrement et restait quelques fois sans revenir chez elle. Nous n'avons jamais entendu prononcé le nom de Couvin ou de Millet, mais il est peut-être venu ici car Mme Maucotel recevait de nombreuses visites masculines. "
Enfin ajoutons qu'on chuchotait hier soir que Couvin et son amie n'étaient autres que les mystérieux époux Mathurin qui avaient habité au 96, avenue de Saint Ouen et qui avaient été pris pour Vallet et pour la maîtresse de celui-ci.

Les jours se suivent ….
Je n'oublierai de longtemps cette exquise soirée, légère, tendre, parfumée, voluptueuses. Elle avait toute la suavité du printemps et déjà la langueur de l'été ; jamais heure ne fut plus clémente aux amoureux et aux poètes…
Soudain, des camelots hurlent : " les bandits cernés ! Troisième édition ! Demandez les détails… "
Mais les couples ; qui devisent sous les arbres, ne demandent que du silence ? Ceux qui roulent vers le Bois, dans ces voitures découvertes, ne savent rien non plus, et ne veulent rien savoir. Il leur suffit de rêver aux étoiles, en buvant de l'aire frais…
- la fusillade continue ! Ils ne peuvent plus échapper ! On a déjà tiré plus de deux mille balles … On va faire sauter la maison…
Que le ciel est doux ! Que les fleurs sentent bon ! Que les femmes sont jolies ! Ce soir, tout le monde est dehors, dans la rue, dans les jardins. Sur le seuil de leur porte ou aux terrasses des cafés, les braves gens qui ont travaillé tout le jour, naïvement, humblement, jouissent en paix de la merveilleuse quiétude. Et l'on songe à ces jeunes hommes, deux fois misérables, qui luttent là-bas désespérément, noirs de poudre, hagards, sanglants, et qui, parce qu'ils ont voulu " vivre leur vie ", comme ils disent, vont mourir à vingt ans, n'ayant même pas savouré, sans souci, sans fièvre, sans remords, la simple et délicieuse joie d'un soir comme celui-ci, qui baigne de bonheur la ville assoupie…
Quelle grande leçon tient dans l'ironie de tels contrastes ! Et s'il est vrai que l'intérêt doive être un jour le seul mobile de nos ? ? ? ? ?

Préfecture de Police de Paris / Archives Historique.