Le
crime de la rue Ordener serait l'oeuvre d'une bande internationale.
C'est
un imbroglio bien difficile à démêler que l'affaire
de la rue Ordener. On se trouve en présence de témoignages
souvent contradictoires sur lesquels il est vraiment malaisé d'aiguiller
les recherches. Et, d'autre part, certaines coïncidences paraissent
troublantes. Tel est le cas de la piste Ravera, dont nous avons parlé
hier. Il est évident qu'en l'absence d'éléments précis
d'enquête, des présomptions singulièrement graves
pèsent sur cet Italien, recherché par la police. Dans le
quartier des Menus, à Boulogne-sur-Seine, on ne s'entretient, bien
entendu, que de l'événement.
Quartier
curieux, par excellence, où grouille une population cosmopolite,
composée surtout de sujets transalpins. Dans les auberges enfumées,
toutes les langues étrangères y sont échangées.
La police a constamment l'il sur ce pâté de vieilles
maisons, car l'on s'y bat souvent.
Parfois, des voleurs appartenant à des bandes internationales viennent
chercher un refuge discret aux Menus. Ils sont assurés d'y rencontrer
des compatriotes - quelquefois des complices. Ravera se croyait en sécurité
dans cette cour des Miracles.
On le connaissait, on était fixé sur son genre d'existence.
Mais personne n'aurait osé le dénoncer.
Un
de ses camarades, du nom de Pascal della Corna, Italien comme lui, est
également recherché par le commissariat de police de Boulogne,
beau garçon, toujours élégamment mis, bien qu'on
ne connût pas l'origine de ses ressources, ce personnage énigmatique
a plusieurs histoires sur la conscience.
Condamné maintes fois pour vol d'autos et de pneumatiques, Pascal
della Corna se vit expulser de Boulogne. Mais on n'abandonne pas ainsi
la rues des Menus. Avant-hier encore, on l'aperçut qui rôdait
dans les parages. Sa capture pourrait peut-être être précieuse
pour ceux qui cherchent à percer le mystère de la rue Ordener.
Quoi qu'il en soit, on demeure assez déconcerté devant la
répétition de certains témoignages concordants dans
les récentes affaire criminelles.
Le cambriolage de la malle des Indes ? On croit avoir aperçu des
Italiens le long de la voie ferrée à Dijon.
L'auto
maquillée de Melun dont l'énigme reste encore à dissiper
? C'est aussi un Italiens qui assassina un de ses compatriotes sur la
grand route.
Le courtier en bijoux dévalisé dans la rue Mouffetard ?
Les quatre bandits auxquels il eut affaire paraissent être bien
également du même pays.
La tentative d'assassinat sur le garçon de recettes de la rue Ordener
révèle des détails identiques.
Si l'on ajoute que la plupart des individus arrêtés ou soupçonnés
habitent Montmartre ou possèdent des ramifications étranges
dans les alentours, on ne peu s'empêcher d'hésiter avant
de déclarer invraisemblable l'existence d'une vaste bande internationale
responsable de tous ces exploits fantastiques.
L'état de M.Gaby.
En
se présentant hier matin à l'hôpital Bichat, Mme Gaby
eut la satisfaction d'apprendre que l'état de son mari s'était
encore sensiblement amélioré.
Nous nous trouvions précisément au chevet du blessé
quand l'excellente femme arriva. Le garçon de recette dégustai
tranquillement un uf à la coque, arroser d'un petit verre
de bordeaux.
C'est le premier repas que nous lui permettons, dit l'infirmière.
S'il est bien sage, tout ira bien dans quelques jours.
C'est également l'avis du professeur Hartmann. Il attend que la
fièvre soit complètement tombée avant de procéder
à l'extraction des deux balles reçues par le malheureux,
l'une au-dessus du poumon droit et la seconde derrière le cou,
près de la colonne vertébrale.
Aucun organe essentiel n'étant atteint, on peut tout espérer
de la vigoureuse santé de M.Gaby. Ce dernier n'a qu'une pensé
fixe : l'arrestation de ses agresseurs.
Il ne passe pas une demi-journées sans demander des nouvelles des
recherches entreprises par la police.
- Ah ! si je les tenais, s'écrie-t-il.
M.Dupuis, commissaire de police de Grandes-Carrières, recevra sans
doute bientôt sa déposition, maintenant que le blessé
peut parler sans grande difficulté.
Dans l'après-midi, on a changé M.Gaby de salle, afin qu'il
ne fût pas fatigué par les visites nombreuses du dimanche.
L'enquête
à Rouen et à Dieppe.
Rouen,
24 décembre. (Par dépêche de notre correspondant particulier.)
Dieppe, aucun fait nouveau n'a été établi par l'enquête.
La police de Rouen a reçu l'ordre de procéder à toutes
investigation en vue de retrouver la trace des cinq agresseurs du garçon
de recette Gaby. On semble persuadé aujourd'hui qu'il n'ont pas
pris passage à bord du paquebot en partance pour Newhaven.
D'autre part, il est certain qu'ils n'ont pas passé la nuit dans
un hôtel de Dieppe. On se demande s'ils ne seraient pas retournés
dans la direction de Paris par le train de marée de la même
nuit et descendus à Rouen, pour se diriger ensuite soit sur Paris,
soit sur le Havre.
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