Les
deux destinées sont là sous nos yeux, développées
en tableaux successifs. D'un côté vous avez le sort de
l'ouvrier laborieux ; de l'autre, celui du débauché. Ici,
le travail en famille, le repos du foyer, la joie du salaire légitimement
conquis ; là, l'oisiveté des cabarets, la femme et les
enfants que la fièvre de la faim dévore, et, pour réveil
inévitable d'un rêve tourmenté, la prison !
Quant
à l'origine des deux existences opposées, l'artiste vous
l'a expliquée suffisamment quand il a écrit au-dessous
de celle qui épouvante : L'esprit au désordre ; au-dessous
de celle qui console : Le cur à l'ouvrage !
Tout est, en effet, dans ces deux mots.
L'homme
que vous voyer là, qui oublie les devoirs sérieux pour
les turbulentes jouissance, qui va traversant les vices d'une course
folle, et qui arrivera tôt ou tard au crime, c'est l'Esprit qui
l'emporte, le même Esprit insatiable et sans frein qui perdit
Faust, L'Esprit qui tenta le Christ sur la montagne. Génies sublimes
et âmes grossières sont également exposés
à ses fascinations. Resserré dans les humbles nécessités
de la vie, on s'y trouve trop à l'étroit, on brise la
chaîne des habitudes journalières, on monte la fantaisie
comme un cheval sauvage sur lequel on galope au hasard, et quand on
veut l'arrêter il est trop tard ; fleurs et moissons, tout a été
brisé sous les pieds !
Voyez, au contraire, celui que le cur a conduit. Il a repoussé
les curiosités dangereuses, les audacieux caprices ; il a aimé,
et tout, dans sa vie, s 'est subordonné à cet amour.
Comme le ruisseau qui suit la pente, il est allé là où
était le bonheur de ceux qu'il devait protéger : il a
accepté pour eux la fatigue, il a supporté l'ennui, et,
insensiblement, ennuis et fatigues se sont dissipés ; le devoir
qui lui pesait comme un joug l'a orné comme une couronne.