Rien
n'est plus populaire que le tonneau de Diogène, et cependant
rien n'est plus faux que l'idée dont ce nom oblige l'imagination
de se payer. On rit de ce peintre flamand qui avait représenté
Ulysse avec une pipe : on est, à la rigueur, aussi bien fondé
de rire de tant de peintre qui ont représenté l'illustre
cynique dans ce tonneau cerclé. Diogène ne vivait pas
dans un tonneau ; il vivait dans un pot. C'est ce dont les pierres gravées
antiques font parfaitement foi. Toute l'erreur vient de ce que les traducteurs
ont jugé à propos de rendre le mot de vase à vin
par celui de tonneau. mais les tonneaux, comme on le sait par le témoignage
de Pline, étaient d'origine gauloise. Les Grecs et les Latins
enfermaient leur vin dans des amphores, qui ne sont autre chose que
de grands pots, souvent sans base, qui s'enterraient dans le sable des
caves. Il était donc tout naturel que Diogène, voulant
se procurer pour demeure une grotte, mais une grotte mobile, eût
fait le choix d'un vase de cette espèce. Les monuments montrent
même, ce qui est bien dans son caractère, qu'il avait poussé
la recherche de la simplicité jusqu'à en prendre un fêlé
et devenu impropre au service des liquides, mais très suffisant
pour le but du philosophe qui était uniquement de s'abriter des
intempéries.
Ce même ustensile dont Diogène faisait la demeure du sage,
certaine peuplades du Brésil en font la sépulture des
personnages glorieux. Quelque étrange, et l'on peut même
dire, à cause de nos usage domestiques, quelque peu respectueux
que cela puisse paraître, on empote les morts pour donner à
leurs restes un asile honorable, et après les avoir enfouis dans
la terre, on pose par-dessus le couvercle qui devient ainsi la pierre
du tombeau. Ces vases singuliers, contenant les corps des chefs réduits
en momies, avec leurs armes et leurs ornements de parade, se rencontrent
au pied des grands arbres, sur les rives du Parïba, dans la tribu
maintenant civilisée des Coroados. Nous en donnons une figure
d'après le Voyage au Brésil de M.Debret, trouvant quelque
curiosité à ce contraste bizarre avec la pierre grecque.