Le Magasin Pittoresque./1848 - page 88.

Le tonneau de Diogène.

 

 

Rien n'est plus populaire que le tonneau de Diogène, et cependant rien n'est plus faux que l'idée dont ce nom oblige l'imagination de se payer. On rit de ce peintre flamand qui avait représenté Ulysse avec une pipe : on est, à la rigueur, aussi bien fondé de rire de tant de peintre qui ont représenté l'illustre cynique dans ce tonneau cerclé. Diogène ne vivait pas dans un tonneau ; il vivait dans un pot. C'est ce dont les pierres gravées antiques font parfaitement foi. Toute l'erreur vient de ce que les traducteurs ont jugé à propos de rendre le mot de vase à vin par celui de tonneau. mais les tonneaux, comme on le sait par le témoignage de Pline, étaient d'origine gauloise. Les Grecs et les Latins enfermaient leur vin dans des amphores, qui ne sont autre chose que de grands pots, souvent sans base, qui s'enterraient dans le sable des caves. Il était donc tout naturel que Diogène, voulant se procurer pour demeure une grotte, mais une grotte mobile, eût fait le choix d'un vase de cette espèce. Les monuments montrent même, ce qui est bien dans son caractère, qu'il avait poussé la recherche de la simplicité jusqu'à en prendre un fêlé et devenu impropre au service des liquides, mais très suffisant pour le but du philosophe qui était uniquement de s'abriter des intempéries.
Ce même ustensile dont Diogène faisait la demeure du sage, certaine peuplades du Brésil en font la sépulture des personnages glorieux. Quelque étrange, et l'on peut même dire, à cause de nos usage domestiques, quelque peu respectueux que cela puisse paraître, on empote les morts pour donner à leurs restes un asile honorable, et après les avoir enfouis dans la terre, on pose par-dessus le couvercle qui devient ainsi la pierre du tombeau. Ces vases singuliers, contenant les corps des chefs réduits en momies, avec leurs armes et leurs ornements de parade, se rencontrent au pied des grands arbres, sur les rives du Parïba, dans la tribu maintenant civilisée des Coroados. Nous en donnons une figure d'après le Voyage au Brésil de M.Debret, trouvant quelque curiosité à ce contraste bizarre avec la pierre grecque.