On a publié
au quinzième siècle un recueil de dialogues attribués
au roi Salomon et à Marcolphe. L'auteur suppose que ce roi renommé
par sa sagesse, étant un jour assis sur son trône, aperçoit
à ses pieds Marcolphe. Celui-ci, ajoute-t-il, était d'une
taille petite et difforme, et d'une tournure commune. Il avait le visage
épais et ridé, de grands yeux, de longues oreilles et
des lèvres pendantes, une barbe de bouc, de grosses mains, des
doigts crochus, le nez pointu, des jambes d'éléphant,
la chevelure en désordre ; son costume, aussi étrange
que sa personne, se composait principalement d'une tunique courte, sale
et tachée. A sa vue, le roi demande : - Qui es-tu ?- Nomme-moi
d'abord ta famille, répond Marcolphe, je te nommerai ensuite
la mienne. - Moi, je suis issu de l'une des douze familles de Juda :
de Juda naquit Pharès, etc. ; mon père était David,
et je suis le roi Salomon. - Et moi, je suis issu de l'une des douze
familles d Rustre ; de Rustre naquit Rustaud ; de Rustaud, Rustique,
etc. ; mon père était le noble Marquet, et moi je suis
le fou Marcolphe. - Tu me parais un rusé compère. Or sus,
causons. Si tu réponds convenablement à mes questions,
je te traiterai en roi ; tu ne me quitteras plus, et tu seras honoré
par tout mon royaume.
Alors la conversation s'engage entre les deux interlocuteurs sur une
foule de sujets, sur l'homme, la femme, les enfants, les amis, le monde,
la nature, les arbres, l'herbe, le vin, la médecine, etc. Le
fou a réponse à tout. Sa parole, fine et railleuse, est
toujours libre et hardie, parfois aussi impertinente et grossière.
Salomon continue son espèce d'interrogatoire jusqu'à ce
qu'enfin, irrité de l'insolente audace du fou, il le bannit à
jamais de sa présence. Marcolphe s'écrie, en se retirant
: Le mensonge qui flatte plaît aux roi : la vérité
qui éclaire choque et blesse même les plus sages.